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Trouver un dermatologue : la situation de la pénurie expliquée

Patient anxieux dans une salle d'attente lumineuse

Dans certains départements français, le nombre de dermatologues par habitant a diminué de plus de 30 % en dix ans, selon les dernières données de la Drees. Certains patients attendent désormais plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous, même en cas de suspicion de cancer de la peau.

Malgré des besoins croissants liés au vieillissement de la population et à la hausse des maladies cutanées, la répartition des spécialistes reste très inégale sur le territoire. Les concours d’internat n’ont pas permis d’inverser la tendance.

La pénurie de dermatologues en France : où en est-on vraiment ?

Le constat est net : trouver un dermatologue relève désormais du parcours du combattant dans bien des régions. À l’échelle du pays, la moyenne chute à moins de 4 spécialistes pour 100 000 habitants, rapportent les récentes données du syndicat national des dermatologues-vénéréologues. Les délais pour obtenir un rendez-vous explosent, franchissant régulièrement la barre des trois mois, et parfois même six dans de nombreux territoires ruraux. Les métropoles ne sont pas à l’abri, notamment en Île-de-France, où la demande dépasse largement la capacité d’accueil, tandis que les effectifs vieillissent sans relève suffisante.

Une étude IFOP pour Sanofi met en lumière une réalité qui inquiète : 37 % des patients interrogés en France ont déjà renoncé à consulter pour un problème de peau, faute de créneau disponible. La difficulté à trouver un dermatologue se fait sentir tout particulièrement en Bourgogne-Franche-Comté ou dans le Centre-Val de Loire, des régions où certains départements ne comptent même pas deux spécialistes pour 100 000 habitants.

Voici trois aspects majeurs qui illustrent l’ampleur du phénomène :

  • Délais d’attente : dans certaines zones, il faut patienter jusqu’à 9 mois pour une consultation hors urgence.
  • Inégalités territoriales : la répartition des dermatologues reste profondément déséquilibrée, creusant l’écart entre villes et campagnes.
  • Renoncements aux soins : selon l’enquête IFOP Sanofi, un Français sur trois a déjà reporté ou annulé une consultation.

Le syndicat national des dermatologues-vénéréologues tire la sonnette d’alarme : la situation empire chaque année. Pour de nombreux patients, ces délais d’attente records entraînent un risque accru de complications, en particulier face à la montée des cancers cutanés. Accéder à un dermatologue ne se limite plus à une question de confort, mais devient un enjeu de santé publique à part entière.

Pourquoi le manque de spécialistes s’aggrave-t-il chaque année ?

La raréfaction des dermatologues ne doit rien au hasard. Plusieurs facteurs s’entrecroisent pour expliquer cette dynamique. D’abord, le fameux numerus clausus a longtemps freiné le nombre de places en médecine, et la dermatologie, déjà peu représentée, en a fait les frais lors de la répartition des postes d’internat. La discipline, jugée difficile d’accès, peine à attirer les jeunes médecins, qui lui préfèrent souvent des spécialités perçues comme plus techniques ou valorisées.

La société française de dermatologie alerte depuis des années sur le vieillissement du corps médical : près de 40 % des dermatologues français dépassent les 55 ans. La relève, elle, tarde à s’installer, freinée par la longueur de la formation, près de dix ans entre le début de l’internat et l’installation en libéral ou à l’hôpital.

Plusieurs réalités concrètes contribuent à l’accentuation de la pénurie :

  • De nombreux départs à la retraite ne sont pas remplacés, laissant des zones entières sans spécialiste.
  • La répartition des dermatologues reste très inégale : les jeunes diplômés privilégient les grandes villes, délaissant les territoires ruraux.
  • Le secteur hospitalier perd de son attrait, concurrencé par le libéral, où la charge administrative vient s’ajouter à une activité déjà dense.

Les témoignages de terrain en disent long. À Toulouse, le professeur Roland Viraben évoque la désaffection croissante des postes hospitaliers. À Nantes, Gaëlle Quéreux pointe la pression qui s’abat sur les praticiens restants. À Paris, Mariam Deriouich résume la situation : « Les conditions d’exercice se dégradent, la jeunesse fuit l’hôpital, la charge explose ». Selon les projections du syndicat national, la pénurie de dermatologues risque encore de s’aggraver dans les années à venir, à moins d’accélérer la formation et d’adopter une politique de recrutement ambitieuse.

Des conséquences concrètes pour les patients et le système de santé

Partout sur le territoire, décrocher un rendez-vous avec un dermatologue tourne à la mission impossible : trois à six mois d’attente deviennent la règle dans bien des départements. L’étude IFOP-Sanofi le confirme, près d’un tiers des patients laissent tomber l’idée de consulter pour un souci cutané, faute de créneau à court terme. Ce report n’est jamais anodin : maladies de la peau négligées, diagnostic tardif de pathologies graves comme les cancers cutanés… Les enjeux dépassent largement la simple gêne esthétique.

Les médecins généralistes doivent alors composer avec un afflux de patients venus pour des eczémas, grains de beauté suspects ou autres affections qui relèvent normalement de la dermatologie. Leur expertise reste précieuse, mais ne remplace pas l’œil exercé du spécialiste. Faute d’alternative, certains patients tentent l’automédication ou se tournent vers des forums en ligne, au risque de passer à côté d’un diagnostic vital.

L’impact se fait sentir à tous les étages du système de santé : consultations en cascade chez le généraliste, examens répétés, passages aux urgences pour des situations non aiguës. À l’échelle collective, les campagnes de dépistage des cancers cutanés, déjà fragilisées, perdent en efficacité, et la prévention s’essouffle sans suivi régulier.

Pour résumer l’impact sur le quotidien, voici ce qui change concrètement :

  • Allongement des délais d’attente
  • Renoncement aux soins dermatologiques
  • Transfert de charge vers les médecins généralistes
  • Risque de retard diagnostique

La raréfaction des dermatologues ne se limite donc pas à une simple contrariété : elle bouleverse en profondeur le parcours de soins et met la santé de milliers de Français en jeu, chaque jour.

Porte du cabinet dermatologue dans un couloir lumineux

Rééquilibrer l’accès aux soins : quelles pistes pour sortir de l’impasse ?

Les tentatives pour réduire la pénurie de dermatologues se multiplient sur le terrain. Les plateformes de téléconsultation gagnent du terrain : elles donnent la possibilité à des patients isolés ou aux délais interminables de solliciter, à distance, l’expertise d’un spécialiste. L’usage du dermatoscope connecté, avec transmission sécurisée des images, affine la précision des diagnostics. Toutefois, la télédermatologie a ses limites : certains cas nécessitent toujours une consultation en chair et en os.

Dans les régions où la pénurie frappe le plus fort, la collaboration entre médecins généralistes et dermatologues s’intensifie. Grâce à la formation continue, les généralistes améliorent leur prise en charge des pathologies cutanées fréquentes. Certaines zones expérimentent la constitution d’équipes pluridisciplinaires réunissant pharmaciens, infirmiers et assistants médicaux, capables d’orienter ou de filtrer les demandes en amont. Cette nouvelle organisation, basée sur la complémentarité, aide à fluidifier le parcours patient.

La répartition très inégale des dermatologues en France nourrit la réflexion. À Toulouse, par exemple, le nombre de spécialistes par habitant reste nettement supérieur à bon nombre de territoires ruraux. Les pouvoirs publics multiplient les incitations à l’installation dans les zones délaissées et réévaluent les besoins locaux. La question de la démographie médicale ne se limite plus à quelques ajustements administratifs.

Un avenir où chaque patient pourrait obtenir un rendez-vous rapidement ? Le défi est immense. Mais face à l’urgence, chaque innovation, chaque coopération, chaque engagement compte pour que la peau des Français cesse d’être reléguée à une file d’attente sans fin.

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